wandering queer

brouillon, dans le désordre et au crayon gris

un « droit à la satisfaction du besoin sexuel » ? 24 novembre 2009

Hier avec une copine on parlait de l’accès des handicapé-e-s à la sexualité, après un article de rue69 qu’on avait toutes les deux lu. Elle a soutenu l’idée qu’il existe un droit à la satisfaction du besoin sexuel, et c’est une idée qui me gêne beaucoup. A chaud, je vais essayer d’expliquer pourquoi.

 

Selon elle, il existe donc un besoin qui serait vital, et sa satisfaction serait nécessaire. Du coup par exemple un-e handicapé-e physique, qui n’a pas la possibilité physique de se masturber, en chie, et pourquoi pas des services sexuels pour l’aider, un-e assistant-e qui serait remboursé-e par la sécu. A première vue oui, pourquoi pas. Un peu de plaisir, ça fait pas de mal, et la sécu qui paierait des putes, ça serait une possibilité de conditions de travail vachement mieux que ce qu’elles vivent actuellement pour beaucoup !

Elle enchaine : c’est la même idée qui la gêne beaucoup dans la monogamie. Si tu es monogame, si ton/a conjoint-e exige de toi que tu ne fasses du sexe qu’avec lui/elle, alors c’est dégueulasse : quand tu as envie, et qu’ille n’a pas envie, ille t’impose une frustration. Si vous avez des besoins sexuels de niveaux très différents, s’installe un problème : l’un-e des deux est frustré-e, frustration que l’autre lui impose. Elle me cite l’exemple d’un ami qu’elle connait, qui est marié ou en couple stable et monogame (hétéros) depuis un bout de temps, et dont la partenaire « se refuse à lui » depuis deux ans. Elle me dit que ça le rend fou, qu’il ne sait pas quoi faire. qu’il reste avec elle pour d’autres raisons mais que ça le torture. Qu’elle le torture, qu’elle exerce par là une pression sur lui.

C’est là que je tique. Que ça le rende dingue de pas faire de sexe, je veux bien le croire, et je compatis, à mort. Que la monogamie ça soit un plan foireux qui ne leur convienne pas, je comprends tout à fait. Mais là le raisonnement ne me va plus : indirectement, elle accuse la nana de la frustration du mec. Parce qu’il existe un besoin sexuel, parce que cet ami a droit à la satisfaction de celui-ci, et parce qu’en s’engageant dans une relation monogame avec lui sa partenaire s’est engagée à satisfaire ce besoin. Mais je lui dis : attends, tu parles de devoir conjugal ? Tu veux dire que si un soir, la nana n’a pas envie et dit non alors qu’il a envie, elle n’a pas le droit ? …

Elle me dit non, évidemment, ça arrive à tout le monde de ne pas avoir envie. Mais c’est une question de degré, de rester dans la limite du raisonnable.

Bin ça me va toujours pas. Je comprends, en théorie, sa distinction. On tombe aussi très vite d’accord sur l’impossibilité, si on dit qu’il y a un curseur à placer entre le raisonnable et la « privation du droit », de s’accorder sur la place de ce curseur. Que chacun-e placerait ses limites à un endroit différent.  Et c’est là mon problème. Si on accepte que les deux personnes d’un couple, par exemple, placent le curseur à deux endroits différents, alors comment ça peut fonctionner ? Et où placer alors la limite du viol conjugal ?…

L’idée de « droit à la satisfaction du besoin sexuel » ne me va pas. Du tout. Parce que l’existence même de ce concept, où qu’on place le « curseur », justifie le viol conjugal – pourra être utilisé pour le justifier. Parce que je ne vois pas comment je pourrais reprocher à une femme qui aurait fait le choix de la monogamie avec son partenaire, de ne pas vouloir faire de sexe.  Et que non, entrer dans une relation monogame normée ne signifie pas que l’on s’engage à satisfaire les besoins sexuels de son/sa partenaire sans limites. Ou même qu’on s’y engage, du tout. Au contraire, peut-être, d’une relation où la monogamie est un vrai choix entre plusieurs options, entre partenaires qui ont négocié ouvertement ce que ce choix implique, quel type de contrat leur convient à tous les deux – ce qui n’était pas le cas que l’on discutait, et qui n’est pas le cas de tout le monde de toutes façons. Pour le mariage, ma copine me soutenait que le devoir conjugal est encore inscrit dans la loi. Trouvez-moi les articles s’il vous plait, et une jurisprudence récente dans ce sens, et on en reparle.

 

Bref pas de notion de curseur. Point. Je veux bien reconnaitre qu’il existe un besoin sexuel, mais pas primaire : on n’en meurt pas. Que son insatisfaction nous torture, nous rende malheureux/se, je veux bien. Qu’il y ait une inégalité dans l’accès au sexe, ça oui, c’est certain, en terme de classe, d’identité de genre (cis/trans p. ex) ou de handicap par exemple… Mais il n’y a, selon moi, pas de droit à la satisfaction sexuelle, c’est un concept bancal, et surtout dangereux, notamment parce que ça implique d’autres êtres humains.

Pour en revenir à notre handicapé-e du début, si on distinguait entre masturbation (pratique auto-sexuelle) et les pratiques qui impliquent d’autres êtres que soi, peut-être on pourrait penser mieux à partir de là ? Parce que si ça implique d’autres personnes, il me semble que tu ne peux pas accuser l’autre d’être responsable de ta frustration. c’est ton propre ressenti – c’est comme la jalousie. Ce n’est pas l’autre qui est responsable de ma jalousie. Ce n’est pas parce que tu sors boire un verre avec lui que tu me rends jalouse, puisque si tu avais fait la même chose avec ton ex, elle n’aurait pas été jalouse. C’est bien mon sentiment à moi, qui m’appartient, et pas ton action, qui est en cause. (et une conclusion en eau de boudin parce que je suis crevée. désolée !)

 

4 Responses to “un « droit à la satisfaction du besoin sexuel » ?”

  1. Sucrette en mousse Says:

    Hum, si j’ai bien compris, le devoir conjugal est compris dans le devoir de communauté de vie (consommation du mariage + résidence commune) : art. 215 du Code Civil
    http://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?idSectionTA=LEGISCTA000006136137&cidTexte=LEGITEXT000006070721&dateTexte=20091125
    Le divorce pour faute peut théoriquement être demandé pour manquement au devoir de communauté de vie : art. 242 du Code Civil
    http://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?idArticle=LEGIARTI000006423124&idSectionTA=LEGISCTA000006149981&cidTexte=LEGITEXT000006070721&dateTexte=20080121
    Il faudrait trouver de la jurisprudence pour savoir si c’est appliqué (hum, je me souviens vaguement y’a quelques temps dans l’actualité [2008, 2009 ?] d’une histoire de demande en nullité d’un mariage pour non-consommation, si mes souvenirs sont bons, c’est pas ce que tu cherches mais ça s’en rapproche).
    Mais selon le Code Civil j’aurais tendance à croire que si l’un des époux amène la preuve que la privation de sexe répétée rend impossible le maintien de la vie commune, il obtiendrait un divorce pour faute….

  2. Sucrette en mousse Says:

    Ah non pardon j’ai tripé, je me souvenais d’un truc gore mais il s’agissait de non-virginité en fait, soit de mensonge pour le droit français… rien à voir donc

  3. Justine Says:

    je suis d’accord avec moi-même mais je suis aussi d’accord avec toi….

    La différence entre pouvoir se faire du sexe tout seul ou faire du sexe à 2 est importante.

    Pour autant, je pense qu’on peut mourir de ne pas avoir de sexe (peut être pas tout le monde et « avoir du sexe » c’est pas forcément baiser à tout va ou se masturber d’ailleurs, c’est peut être trouver un exultoire dans l’art, le sport ou un engagement religieux). On devient fou, on se marginalise.
    Lire Foucault, lire « la guillotine du sexe »

    je pense que le sexe peut être un facteur d’épanouissement personnel ou un facteur de castration et donc d’une forme d’extinction de soi. C’est pas un hasard, pour moi, si les religieux voulant commander aux foules, commencent par interdire le sexe.

  4. grunen Says:

    petite note nocturne concernant les religieux-ses…même si c’est un débat hyper vaste, et je n’ai pas la prétention de l’initier maintenant.
    Le Halakha, qui « légifère » religieusement parlant la vie quotidienne des Juives et des Juifs, dit que l’époux doit éviter toute précipitation dans la concrétisation du rapport et faire en sorte que sa femme arrive à un épanouissement physique.
    Les religieux-ses n’interdisent pas le sexe. Mais illes le reglementent, de la même façon que la nourriture, ce qui est une forme de coercition et, comme tu dis, de volonté de commander aux foules.
    Ceci dit, c’est assez cool de voir que la notion de plaisir féminin est abordée aussi franchement au sein d’une des plus vieilles religions. Malgré cela, la Halakha reste encore assez fermé à l’égard de l’homosexualité…mais une évolution en ce sens est possible.


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